Famille Meilland : le rôle majeur des femmes
Jacques Mouchotte
La saga de la famille commence très tôt avec les grands ancêtres Joseph Rambaux et Francis Dubreuil. Joseph Rambaux était, au milieu du 19e siècle, jardinier au Parc de la Tête d’Or à Lyon. En complément d’activité, il assouvissait sa passion pour les roses avec des créations originales et une entreprise de production de plantes. Joseph avait une fille unique Marie qui épousa Francis Dubreuil, artisan tailleur de son état. Grâce à elle, il attrapa le virus de la rose. Ensemble, ils firent prospérer la petite entreprise familiale. Madame et Monsieur Dubreuil à leur tour n’eurent qu’une fille, Claudia et c’est elle qui rencontra Antoine Meilland, jeune apprenti originaire de Chamboeuf, un village proche de St Galmier dans la Loire. Sa passion à lui pour les roses avait été encouragée, dès son plus jeune âge, par Mme Mivière, l’institutrice qui l’emmena jusqu’au certificat d’étude.
Voyage fou aux USA
Pendant la première guerre mondiale, Francis Meilland n’est qu’un enfant, le papa est à la guerre. Sa mère, Claudia, et sa grand-mère dite « Grand-Mère Jenny », sont en première ligne pour aider le jeune Francis à grandir. Il n’est pas étonnant que devenu adulte, il leur dédiât ses premières créations les plus prestigieuses. De retour du front, Antoine envoie son fils chez Charles Mallerin, un obtenteur de renom qui a déjà connu de grands succès aux USA. Francis est un élève studieux, il apprend vite ce que représente ce grand continent. Il prend alors une décision folle en accord avec sa famille : se rendre aux Etats Unis pour juger par lui-même. Nous sommes dans les années trente, quelle expédition ! Francis revient avec un réseau solide créé outre atlantique et trois idées fortes : l’utilisation des chambres froides ; le catalogue illustré en couleur ; les brevets industriels pour les plantes.
Richardier, partenaire brillant
Francis épouse Marie Louise Paolino, fille d’un client de longue date. La seconde guerre mondiale arrive. Alain Meilland nait à cette période. Juste avant que le black-out ne s’abatte sur la France, le consul américain de Lyon emporte un petit paquet d’écussons d’une variété nouvelle N° 3-35-40, dans la valise diplomatique. Il apportera la bonne fortune de Meilland à la fin de la guerre. Le trajet de la rose « Mme Antoine Meilland » est une histoire à part entière, elle est aussi « Peace », la rose de la paix mondialement reconnue.
Suite à ce succès, Francis décide de servir le marché mondial. Il trouve un partenaire brillant, son concurrent le plus redoutable, Francisque Richardier. Meilland s’occupera du monde et de la création de roses nouvelles, Richardier produira et vendra les plantes sur la France. Francis retourne sur les terres familiales de son épouse au Cap d’Antibes qu’il juge plus favorables.
Projets titanesques
Dans les années cinquante, le marché de la fleur fraiche coupée explose. Marie-Louise a en tête le profil idéal de rose qu’il faut atteindre. Elle travaille dans ce sens avec son époux et ils définissent les contours de la rose de fleuriste moderne. La famille s’agrandit, Michèle voit le jour. En 1954, deux monstres sacrés de ce nouveau concept sont présentés : «Var. Rim1020, Happiness » aux USA « Rouge Meilland® » en France et «Var. Meiger, Baccara® » en Europe. L’avenir financier de la Maison Meilland est assurée, Francis peut se consacrer à ses deux autres projets titanesques : la protection juridique des obtentions végétales et la création d’un groupe mondial chargé de coordonner la création, la sélection et la mise au commerce de rosiers : Universal Rose Sélection Meilland.
Laisser les créateurs créer en paix
En 1958 Francis meurt. Alain, âgé de 18 ans, n’a aucune expérience aux affaires. Malgré son jeune âge et son inexpérience, il réussira pleinement. Sans tarder, Marie-Louise reprend sa tâche. Devant elle, se trouvent à nouveau 50 coupelles de pollen fraîchement préparées qu’elle confronte à 150 roses d’origine différentes, en fleurs devant ses yeux. Une touche de couleur par-ci, une touche de résistance par-là, la floribondité pour toutes. Les résultats arrivent avec une consistance impressionnante. Sweet Promise Sonia Meilland®, Meidomonac Bonica® 82, Meigekanu La Sevillana®, Meiviolin Pierre de Ronsard® et tant d’autre
Marie Louise, que toute sa famille appelle « Manou », se concentre sur le versant « jardin » des roses. Tandis qu’Alain se consacre à la fleur fraiche coupée. Un jour, au grand désespoir de tous, la maladie emporte brutalement Marie Louise. C’est Michèle sa fille qui, du jour au lendemain, reprend le flambeau de l’hybridation. Bien sûr Alain était là pour conseiller, rassurer et orienter. Cependant, par respect pour la créativité personnelle, son rôle s’arrête là. Laisser les créateurs créer en paix, sans pression, ni contrainte : telle a toujours été sa philosophie pour ce métier !
Michèle qui a épousé Raymond Richardier, le fils de l’associé historique de son père, est beaucoup plus secrète que Marie Louise. Son talent de créatrice, d’origine spontané ou construit par une enfance baignée de roses, est éclatant, comme celui de sa mère. Son chef d’œuvre s’appelle Var. Meitroni Prince Jardinier® en France et Francis Meilland® aux USA.
Brevet et marque déposée
La propriété intellectuelle est la pierre angulaire sur laquelle Francis a fondé son entreprise de création. A sa mort, la première étape est franchie : un brevet industriel a été accordé à « Rim 1020 » et « Rouge Meilland® » est une marque déposée, une grande première en horticulture. Ces droits permettent de percevoir des royalties sur chaque plante vendue.
La génération suivante arrive. Dans les années 90, Sonia Meilland-Guibert, la fille ainée d’Alain, s’occupe de la protection et de la gestion technique de la production. Pierre Richardier assume de nouvelles tâches. Son frère Michel prend la suite de son père Raymond aux commandes des Roseraies Meilland Richardier dans la région lyonnaise. En 2013, Matthias, le cadet, intègre la Maison Meilland dont il est l’héritier du nom, comme responsable de la communication. Sa jeune femme Asrini Devianti, tout le monde l’appelle Devi, fascinée à son tour par les roses a sorti les petites coupelles pour récolter du pollen et les pinceaux pour féconder les fleurs, accompagnée de ses deux petits bolides de fils.
Des femmes piliers
Aujourd’hui, Sonja Meilland est directrice de recherche. Elle assure la gestion et l’orientation du cœur de l’entreprise, l’innovation et la création de roses nouvelles. Matthias passe d’avions, en trains ou en voiture pour porter haut le drapeau de la Maison Meilland. Entouré de ses enfants dans l’entreprise, Alain toujours aussi dynamique se consacre à développer l’intérêt pour la rose surtout du côté de l’extrême orient. Michèle, Nadine et Raymond coulent des jours paisibles dans la propriété ancestrale de la famille Paolino au Cap d’Antibes.
Marie Rambaux, Jeanne Laffond (Grand-Mère Jenny), Claudia Dubreuil, Madame Mivière, Marie Louise Paolino (Manou), Michèle Richardier (Michou), Nadine Boisgard, Sonja Meilland et peut être un jour Asrini Devianti (Devi), sont les piliers des fondations solides qui ont permis aux géants de la rose du nom de Meilland de se tenir fermement debout.